Sur cette parcelle d'un hectare en coteau, située à Montussan et restée en jachère pendant trois ans, nous avons planté de la syrah en 2023. Entourée de bois et de jachères fleuries, cette terre jouit d’une biodiversité exceptionnelle. Le terroir limono-sableux, composé de 33% de limon, 40% de sable et 27% d’argile, est idéal pour ce cépage. Les 5 000 pieds de vigne sont issus à 100% de la sélection massale de Lilian Bérillon. Dans cette parcelle qui réunit les qualités indispensables à la syrah, nous avons choisi de conduire la vigne sur échalas. Tel que cela se pratique en Hermitage chez Jean-Louis Chave où Nicolas Géré a fait ses classes. “C’est le seul mode de conduite possible pour travailler en coteaux. Et nous sommes les seuls à le faire à Bordeaux. Un tel mode de conduite permet de soigner chaque souche individuellement plutôt que rang par rang. L’échalas est un piquet de bois servant de tuteur, auquel plusieurs attachages sont réalisés à l’aide de jonc pendant la croissance du végétal”, explique Nicolas.
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2020
A chaque cep de vigne son échalas
Le principe est simple : à chaque cep de vigne, son échalas. Soit un piquet en bois solidement enfoncé dans la terre. Il soutient le cep et le guide dans sa pousse tout au long de la saison. Cette technique est particulièrement adaptée pour la syrah qui a une tendance atavique à pousser à l’horizontale voire à se vautrer sur le sol. L’échalas permet d’obtenir le maximum de feuillage, au final de 2 à 2,2 mètres de hauteur, de manière à favoriser la photosynthèse et la maturation des raisins.
Pour le reste, la taille est le gobelet typique des appellations, constitué d’un tronc supportant des bras répartis dans l’espace. Le nombre est de deux à trois, chacun portant généralement des coursons à deux yeux francs. Le nombre de bourgeons est fixe sur tout le vignoble soit 4 à 6 bourgeons.
Gourmande en main d’œuvre
Entièrement manuelle, la conduite sur échalas est gourmande en main-d’œuvre. Les attachages sont réalisées à l’aide de jonc avec un nœud bien spécifique, qui permet ainsi d’éviter de lacérer les rameaux durant la pousse de la plante.
Le premier est réalisé lorsque les rameaux sont suffisamment longs et permettent d’être attachés à l’échalas. Souvent lorsque certains ne sont pas assez poussés, certains rameaux sont attachés seuls, d’où le temps de travaux important calculé non pas par ha mais pour 1 000 pieds. (10 h 30).
Le deuxième est cumulé avec une autre opération : une suppression des entre-cœurs au niveau des grappes. Puis ils sont réattachés en un seuil lien.Les temps de travaux de cette méthode sont encore plus importants que le premier.
Le troisième : les rameaux sont liés jusqu’au maximum de la hauteur de l’échalas. L’attachage pouvant être couplé avec le cisaillage, lequel nécessite parfois trois passages. Sinon comme précédemment, les vignes sont conduites en pont. Plus de 10 heures pour 1 000 pieds (ponts), contre 8 heures de cisaillage classique.
Les caractéristiques de la syrah
La syrah est un cépage vigoureux, précoce et résistant au mildiou, facile à travailler. Elle peut être assemblée ou vinifiée pure. Dans sa jeunesse, elle développe des arômes de framboise, poivre, réglisse et violette. Avec le temps, elle évolue vers des notes de fruits noirs, légèrement fumées, de lard, de cuir, avec une finale poivrée caractéristique. Les terroirs froids accentuent les arômes épicés, réglissés et d'olive verte, tandis que les régions chaudes amplifient les notes de cerise, framboise, café, chocolat et pruneau, comme en Australie.
La syrah au XIXe siècle : un cépage "Médecin"
Au XIXe siècle, les négociants bordelais fortifiaient leurs clairets en ajoutant un peu de vin de L’Hermitage pour améliorer la structure, la couleur et l’éclat. À l’époque, le mélange des cépages et des régions était courant, et les amateurs anglais appréciaient ces touches du Rhône dans la Gironde, qui apportaient des teintes grenat et des arômes de poivre ou de violette.
La syrah était alors réputée comme un cépage “médecin”, capable de sublimer des cuvées ordinaires en les transformant en vins onctueux et puissants. Même certains grands crus de Bordeaux furent “hermitagés” au fil du siècle. De cette pratique, il reste peu de traces aujourd’hui, sinon des souvenirs presque mythiques.
Interprétation d’une tradition oubliée
L’hybridation, ici, magnifie l’excellence d’un vin déjà reconnu, permettant toutes les audaces. C’est ainsi que chaque hiver, la direction de Château Palmer parcourt les côtes du Rhône septentrionales pour sélectionner les 10 % de syrah qui viendront se marier avec le merlot et le cabernet sauvignon du domaine. Et qu’est né l’Historical XIXth Century Wine. Le château La Lagune (Haut-Médoc) met quant à lui sur le marché un vin baptisé "Evidence" qui allie syrah de la vallée du Rhône et cabernet sauvignon de Bordeaux.
D'autres ont choisi de travailler des cuvées mono-cépages, 100% syrah comme Château Sainte-Marie avec la cuvée Astérie ou Château Le Grand Verdus avec la cuvée Gravière, Château La Peyre avec La Clandestine, mais aussi Le Syrah d'ici des vignobles Bruno Baylet ou Le Bad Boy Syrah créé par Jean-Luc Thunevin,
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